
Difficile d’imaginer vendre du vin autrement qu’on le fait aujourd’hui. Et pourtant, sous l’impulsion des acteurs de l’économie numérique, une nouvelle façon de vendre le vin s’invente chaque jour. Dans les démarches les plus innovantes, ce n’est plus du vin qui est vendu mais une expérience à vivre pour laquelle le vin devient un support. Si vous voulez devenir un acteur de cette révolution, voici les clés pour vendre du vin dans l’économie numérique.
Pour comprendre cette révolution en cours : je vous renvoie à « La révolution digitale n’est pas celle que l’on croit généralement » (http://urlz.fr/6Tea)
1 La dématérialisation des relations et de l’accès aux vins :
Les consommateurs se sont appropriés dans leur vie personnelle les nouveaux outils numériques à un vitesse inégalée et ils les utilisent comme bon leur semble selon leurs envies. L’accès aux biens et services se dématérialisent et la frontière entre réel et virtuel disparaît dans l’esprit du consommateur. Cette dématérialisation des achats se répand dans les comportements des consommateurs de vins et champagne, 34 % des français en âge de consommer déclarent avoir acheté du vin sur internet en 2016 contre 11% 5 ans auparavant (Enquête Les échos Sowine). Ce consommateur connecté, qui veut pouvoir acheter partout où il se trouve et n’importe quand oblige les entreprises à développer une approche multi-canal de leurs clients et donc à être présentes sur tous les nouveaux canaux si elles veulent les conserver. Ne pas y être, c’est à terme ne plus être présent du tout. A plus brève échéance, la transformation numérique engagée par les grandes enseignes de la distribution et la dématérialisation des relations avec leur fournisseurs pourraient conduire au déréférencement d’un certain nombre d’entre eux.
2 On ne vend plus du vin, un hôte achète une expérience du vin :
Face aux nouveaux comportements et exigences du consommateur de vins, l’approche sensorielle classique offerte par la dégustation n’est plus suffisante : cette expérience gustative doit être mise en scène pour procurer plaisir, découverte, rencontre, émotions, etc. Pour satisfaire ce nouveau consommateur, les entreprises de commerce de vin peuvent agir au moins dans trois directions :
- L’expérience que vivent les clients directement sur place, c’est à dire dans les magasins et caves ou dans les vignobles. Améliorer l’expérience hors ligne consiste à offrir sur place un parcours agréable, original et plein d’attention. De nombreux facteurs interviennent dans cette expérience : la formation du personnel et ses qualités d’écoute, l’agencement du site, l’accessibilité du vignoble, l’ambiance général dans laquelle les clients sont immergés.
- L’expérience qu’ils vivent en ligne via le site internet ou une application. Améliorer l’expérience en ligne pour se démarquer passe par le bon ton, le bon design et surtout par une navigation simple et rapide afin de faciliter la vie de l’internaute,
- Entretenir la qualité de la relation avec le client entre ses actes d’achat : cela passe par la diffusion d’informations qualitatives et l’instauration d’un dialogue avec les clients notamment via les réseaux sociaux.
Mais le concept d’expérience client est plus vaste que cela : « The experience économy » est l’ouvrage fondateur qui en est à l’origine à la fin des années 90. Les
auteurs Joseph B. Pine et James H. Gilmore y affirment que nous sommes entrés dans l’économie de l’expérience, économie dans laquelle on ne vend plus des produits ou services mais des
expériences. L‘expérience client se définit selon les auteurs cités plus haut comme la trace ou l’impression globale laissée dans la tête du client par ce qu’il a vécu tout au long de
son parcours d’achat ou de consommation depuis le premier contact jusqu’à la consommation du produit ou l’utilisation du bien. C’est dire que nous sommes passés d’un usager qui achetait des
fonctionnalités, puis à un client en attente de bénéfices, et aujourd’hui à un hôte qui est en recherche de sensations. Les produits et services étant banalisés, cet hôte souhaite vivre des
expériences et ressentir des émotions.
Est-ce à dire qu’un opérateur de la filière vin ne vendra plus de vins ? Non, mais il le vendra à condition de créer et de vendre des évènements mémorables pour lesquels le
vin sera un support voire un accessoire. L’expérience client constitue le terrain de jeu privilégié des nouveaux acteurs numériques dans l’univers du vin. Plus classiquement, l’activité
oenotouristique lorsqu’elle se professionnalise et propose des offres construites et tarifées fournit quelques exemples illustratifs de l’expérience client dans l’univers du vin :
- Les circuits de découverte thématiques et payants dans les vignobles en réponse à la demande des clients qui veulent vivre un moment avec le vigneron, partager son expérience et son art de vivre,
- Les visites payantes des caves ou installations comme en Champagne et à Cognac qui vise un public curieux, avide de connaissances et de découverte en voulant le vivre et le partager,
- Les expositions payantes dans des lieux emblématiques de l’univers du vin,
- Etc.
Ces démarches rencontrent le succès lorsqu’elles apportent en elle-même une véritable valeur ajoutée au client, en lui faisant vivre un moment mémorable dont il souhaitera garder la trace en repartant avec du vin par exemple.
Pour en savoir plus sur les acteurs du vin digital : voir mon article sur les plateformes collaboratives à l’assaut de l’univers du vin.( http://urlz.fr/6Ofk )
3 La réputation d’un vin se construit à votre insu :
La relation verticale qui existait entre une entreprise et ses clients s’effondre : elle ne maîtrise plus ni les moyens d’accès, ni la communication à ses clients. Elle perd
ainsi son pouvoir d’influence au profit des internautes qui s’adressent des recommandations, des avis et échangent toutes sortes d’informations, toutes choses qui pèsent beaucoup plus que les
discours de l’entreprise.
Pour les entreprises du commerce du vin, cela oblige à agir et agir autrement car la façon de construire sa réputation évolue :
- Les prescripteurs habituels que sont les guides, les journalistes, etc. perdent du pouvoir : où il fallait courtiser et convaincre quelques influenceurs, il faudra progressivement s’adresser et convaincre la communauté des consommateurs,
- La réputation d’un vin peut se faire ou se défaire à votre insu notamment sur les nouvelles applications numériques de notations et de recommandations, l’organisation d’une veille sur ce qui est dit de vos vins est le minimum indispensable avant de mettre en place une écoute performante des clients qui permettra d’anticiper leur demande et d’ajuster l’offre à celle-ci.
4 Concurrence et transparence des prix :
La révolution digitale apporte au consommateur un choix, une capacité à comparer qui bouleverse les règles du jeu concurrentiel pour les acteurs du commerce du vin :
- Dans un monde qui devient transparent et fluide pour le consommateur, qu’est ce qui justifiera demain les écarts de prix d’une même bouteille dans les différents circuits de distribution ? Entre le prix chez le caviste et le prix à la propriété par exemple,
- Les plateformes de l’économie numérique du vin donnent accès aux vins du monde entier dans des conditions de prix, de livraison et de délai extrêmement performants. Une concurrence étrangère plus forte se met en place sur un marché français jusqu’à présent plutôt bien protégé.
Vendre du vin et être compétiteur dans son économie numérique appellent les opérateurs à une forme de révolution culturelle et à se transformer comme c’est le cas dans tous les secteurs d’activités. Dans un marché du vin qui reste globalement un marché de l’offre, avec des modes de production et d’organisation qui laisse peu de place à l’innovation, la marche peut sembler grande pour les opérateurs. Ce qu’ils peuvent y gagner est aussi considérable : créer de la valeur additionnelle, reconquérir la relation client que la grande distribution a largement captée dans cette filière.
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Gilles Isart
Vitisconsultant.fr
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